© 2006 Bernard SUZANNE | Dernière mise à jour le 30 juillet 2006 |
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Dans la mesure où l'on appelle souvent « dialectique » ce qu'on suppose être la méthode spécifique du Socrate des dialogues, utilisant pour cela le décalque français d'un adjectif grec dérivé du verbe dialegesthai, dont le sens usuel est « converser, s'entretenir, discuter », il n'est sans doute pas inutile de se pencher sur ce verbe et sur les mots dérivés pour essayer de mieux comprendre ce que pouvait être cette « méthode » de Platon et tenter de la comprendre à partir de l'usage qu'il fait de ces mots.
Si le terme dialogos est assez rare dans ce que nous appelons les « dialogues » de Platon, puisqu'on ne l'y trouve que 9 fois, le verbe dialegein, presque exclusivement au moyen, dialegesthai, y est beaucoup plus fréquent, puisqu'on y compte 219 occurrences de ce verbe au moyen (pour une à l'actif en Lois, V, 735b4). Rare aussi est un autre nom dérivé de dialegesthai, de sens voisin de dialogos, dialektos, qu'on ne trouve que 4 fois dans les dialogues. Quant à l'adjectif dialektikos, il n'y apparaît que 22 fois (dont 3 sous la forme adverbiale dialektikôs). C'est lui qui est utilisé au féminin pour caractériser une poreia (voyage, démarche) (République, VII, 532b4), une methodos (recherche, marche, méthode) (République, VII, 533c7), ou une epistèmè (science) (Sophiste, 253d2), voire substantivé (hè dialektikè, République, VII, 534e3), en laissant sous-entendu ce qui est ainsi qualifié, pour désigner ce qu'on a vite fait de traduire par « la dialectique », mot qui n'en est qu'un décalque français mais ne nous dit rien de ce que Platon avait en tête en employant l'original grec. De même, il n'y a pas dans le grec des dialogues de terme spécifique pour parler du « dialecticien », mais seulement la qualification d'une personne comme étant dialektikos (République, VII, 537c7) (1), ou comme étant dotée d'une « dialektikès phuseôs (nature dialectique) » (République, VII, 537c6).
On peut noter que le verbe dialegesthai reste d'un usage limité
chez les auteurs antérieurs à Platon et Socrate, si du moins on
en juge par ce qui nous est parvenu d'eux (2).
Le site Perseus recense seulement 38 occurrences de ce verbe chez des auteurs
antérieurs ou contemporains de Socrate : 5 dans l'Iliade,
toujours dans la même formule : « alla ti è
moi tauta philos dielexato thumos; » (« mais
pourquoi ce cœur [qui m'est] cher [= mon cœur]
m'interpelle-t-il ainsi ? » ; Iliade,
XI, 407 ; XVII,
97 ; XXI,
562 ; XXII,
122 ; XXII,
385), 10 chez Hérodote (entre autres dans le sens de « parler
une langue particulière »), 3 chez Thucydide, 7 chez Aristophane,
6 chez Antiphon et 7 chez Lysias ; mais on en compte 216 occurrences chez
Platon, 100 chez Xénophon et 76 chez Isocrate. Quant aux dérivés
de ce verbe, ils restent rares avant comme après Socrate et Platon :
- dialogos n'apparaît que 4 fois en dehors des 9 occurrences
recensées chez Platon, 1 fois chez Isocrate (en Panathénaïque,
26, où, exposant ses vues sur l'éducation, il déclare
approuver les nouveautés que sont « la géométrie,
l'astronomie et les discussions appelées éristiques [tous
dialogous tous eristikous kaloumenous], auxquelles les jeunes prennent plus
de plaisir qu'il ne convient »), et 3 fois chez des auteurs
tardifs (Plutarque et Flavius Josèphe) ;
- dialexis, nom d'action dérivé de dialegein,
jamais utilisé par Platon, apparaît 1 fois en tout et pour tout,
chez Aristophane, dans les Nuées, au vers 317,
et dans la bouche de Socrate, glorifiant « les Nuées, grandes
déesses des hommes oisifs, par lesquelles nous adviennent la connaissance
(gnômèn), la dialexis, l'esprit (noun), et
aussi la fabulation (terateian), la verbosité (perilexin),
le boniment (krousin) et le saisissement (katalepsin) » ;
- dialektikos, en dehors des 21 occurrences chez Platon, apparaît
29 fois dans les textes d'Aristote disponibles sur le site Perseus (8 fois dans
la Métaphysique et 21 fois dans la Rhétorique) (3)
et deux fois chez Xénophon (Mémorables,
IV, 5, 12 ; IV,
6, 1) ;
- dialektos apparaît 7 fois chez Aristote (Métaphysique :
1 ; Poétique : 3 ; Rhétorique :
3), une fois chez Démosthène et 31 fois chez des auteurs tardifs
(Diodore : 8 ; Pausanias : 4 ; Plutarque : 1 ;
Strabon : 18).
Une section est consacrée à chacun de ces termes :
On trouvera par ailleurs sur une autre page de ce site la traduction de la fin du chapitre IV, 5 et de tout le chapitre IV, 6 des Mémorables de Xénophon, dans lesquels on trouve les deux seules occurrences de l'adjectif dialektikos chez cet auteur, ainsi que ce qu'il présente comme des exemples de la manière dont Socrate rendait dialektikôterous (plus « dialectiques ») ceux qui le fréquentaient. Ce texte permettra sur un exemple assez significatif de comparer le Socrate de Xénophon et le Socrate de Platon.
On trouvera ci-dessous la liste des 219 occurrences du verbe dialegesthai dans les dialogues de Platon (plus une de dialegein dans les Lois). Sur ces 219 occurrences, 71, soit près du tiers, concernent l'infinitif présent moyen dialegesthai lui-même (elles sont identifiées par « inf. » entre parenthèses après la référence). Parmi celles-ci, 20, dont 8 pour la seule République, utilisent l'infinitif substantivé par un article (identifiées par « inf.+to »), 6 d'entre elles (République, VI, 511b4 ; VII, 532d8 ; 533a8 ; 537d5 ; Parménide, 135c2 ; Philèbe, 57e7) dans la formule « hè tou dialegesthai dunamis » (la puissance du dialegesthai) et une (République, VI, 511c5) dans une formule voisine utilisée par Glaucon, « hè tou dialegesthai epistèmè » (la science du dialegesthai) (le texte et la traduction de ces passages est disponible dans une autre page de ce site).
Alcibiade (11) | 103a4 ; 105d6 (inf.) ; 105e7 (inf.) ; 106a1 ; 108c7 (inf.+to) ; 124c9 ; 129b5 ; 129b10 ; 129b14 ; 129c2 (inf.+to) ; 130e3 |
Lysis (8) | 206c2 ; 206c6 (inf.) ; 206c9 ; 207a5 ; 210e3 (inf.) ; 211c1 (inf.) ; 211c8 ; 214b5 |
Lachès (6) | 180e6 ; 187e7 ; 187e8 (inf.) ; 188c7 ; 189c6 ; 193e4 |
Charmide (5) | 154e7 (inf.) ; 155a5 (inf.) ; 155c7 ; 159b4 (inf.) ; 170e6 |
Protagoras (32) | 310e3 ; 313c1 ; 314c4 ; 314c7 ; 315e5 ; 316b3 ; 316c3 (inf.) ; 317d6 ; 333c5 ; 334d2 ; 335a2 ; 335a6 (inf.) ; 335a6 ; 335b2 (inf.) ; 335b6 (inf.) ; 335b6 ; 335d5 ; 336b2 ; 336b5 (inf.) ; 336b9 (inf.) ; 336c3 ; 336c4 ; 337a3 ; 339a5 ; 347c3 (inf.+to) ; 347e6 ; 348b6 (inf.) ; 348b6 ; 348b7 ; 348c4 (inf.+to) ; 348c5 (inf.) ; 348d6 |
Hippias majeur (4) | 291a4 ; 293d1 ; 301b3 (inf.) ; 304d6 (inf.) |
Gorgias (17) | 447c1 ; 448d10 (inf.) ; 449b4 ; 453b1 ; 457c6 (inf.) ; 458b2 ; 458c1 ; 458d4 (inf.) ; 458e1 ; 461a4 (inf.) ; 471d5 (inf.) ;474b1 ; 485b3 (inf.) ; 485b5 ; 505d5 ; 506b5 ; 517c5 |
Hippias mineur (2) | 364e9 ; 373a7 (inf.) |
Ménon (3) | 75d3 (inf.) ; 76b4 ; 99e4 |
Euthyphron (0) | |
Apologie (8) | 19d3 ; 19d5 ; 21c5 ; 33a8 ; 37a7 ; 38a4 ; 39e1 ; 41c3 (inf.) |
Criton (2) | 49a10 ; 53c6 |
Banquet (13) | 174d4 (Apollodore, le narrateur) ; 181a1 (inf.) (Pausanias) ; 183c6 (inf.) (Pausanias) ; 194d4 (Phèdre) ; 194d5 (Phèdre) ; 194d8 (Phèdre) ; 194e3 (inf.) (Agathon) ; 213d1 (Socrate) ; 217b4 (Alcibiade) ; 217b5 (Alcibiade) ; 217b6 (Alcibiade) ; 217d4 (Alcibiade) ; 223c6 (inf.) (Apollodore, le narrateur) |
Phèdre (8) | 232a8 ; 232b4 (inf.+to) ; 241a6 ; 242a6 ; 259a1 ; 259a2 ; 259a7 ; 269b6 (inf.) |
République (21) | I, 328a9 ; 328d7 ; 336b1 ; II, 360a1 (inf.) ; V, 454a5 (inf.) ; VI, 511b4 (inf.+to) ; 511c5 (inf.+to) ; VII, 515b4 (inf.) ; 525d6 (inf.) ; 525d8 ; 526a2 ; 528a1 ; 532a2 (inf.+to) ; 532a6 (inf.+to) ; 532d8 (inf.+to) ; 533a8 (inf.+to) ; 537d5 (inf.+to) ; 537e1 (inf.+to) ; 539c6 (inf.) ; VIII, 558d8 ; IX, 588b6 |
Phédon (12) |
61d2 ; 63d7 (inf.) ; 63d8 ; 84c4 ; 94d6 ; 98d6 (inf.+to) ; 101e2 ; 115c7 ; 116a4 ; 116b3 ; 116b8 ; 116d6 |
Cratyle (2) | 384c10 ; 407d7 (inf.) |
Ion (1) | 532b9 |
Euthydème (16) | 271a1 ; 271a4 ; 273b4 ; 274b8 ; 275b6 ; 275c3 ; 283b9 ; 284e5 (inf.) ; 295e2 (inf.) ; 301c4 (inf.+to) ; 304a2 (inf.) ; 304a6 ; 304b2 (inf.) ; 304b6 ; 304e1 ; 305b2 (inf.) |
Ménéxène(0) | |
Parménide (3) | 126c2 ; 135c2 (inf.+to) ; 135d2 |
Théétète(21) | 142c7 ; 142c8 ; 143b7 ; 143b7 ; 143c4 ; 146a7 (inf.) ; 147d1 ; 158c1 ; 158c4 ; 158c5 (inf.) ; 161e6 (inf.+to) ; 167e5 ; 167e6 (inf.) ; 174c3 (inf.) ; 178e9 ; 179e5 ; 181d8 ; 187a1 ; 189e8 (inf.) ; 196e1 (inf.+to) ; 196e8 |
Sophiste (7) | 218a2 ; 232d3 ; 239a3 ; 242c4 ; 251d1 ; 251d2 ; 263a8 |
Politique (1) | 272c6 |
Philèbe (2) | 14a1 (inf.+to) ; 57e7 (inf.+to) |
Timée (0) | |
Critias (0) | |
Lois (15) | I, 630e1 ; I, 635a4 ; 648a8 (inf.) ; II, 673b5 ; III, 682e8 ; 686d8 ; IV, 719a7 ; 722c6 ; 722c9 ; V, 732e3 ; V, 735b4 (dialegein, actif) ; IX, 854a5 ; 857d1 ; X, 888a6 ; 903a7 |
[DO1] 110a3 |
Alcibiade,
109e9-110a3 (Socrate cherche à savoir quand et comment Alcibiade a appris à distinguer le juste et l'injuste) |
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« Kalôs legeis. Echeis oun eipein touton ton chronon [110a] hote ouk ôiou eidenai ta dikaia kai ta adika; phere, perusin ezèteis te kai ouk ôiou eidenai; è ôiou; kai talèthè apokrinou, hina mè matèn hoi dialogoi gignôntai » | « Tu parles de belle manière ! As-tu donc moyen de me dire ce temps [110a] où tu ne pensais pas savoir ce qui est juste et ce qui est injuste ? Voyons, l'an dernier, cherchais-tu et ne pensais tu pas savoir ? Ou bien pensais-tu [savoir] ? Et donne-moi un réponse vraie, afin que nos échanges de propos ne se développent pas en vain ! » (4) | ||||||||||||||||||||||||||||
[DO2] 200e3 |
Lachès,
200e1-6 (La réponse de Socrate à la suggestion de Lachès, à la fin du dialogue, de confier l'éducation des enfants de Mélésias et Lysimaque à Socrate) |
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« Kai gar an deinon eiè, ô Lusimache, touto ge, mè ethelein tôi sumprothumeisthai hôs beltistôi genesthai. Ei men oun en tois dialogois tois arti egô men ephanèn eidôs, tôde de mè eidote, dikaion an èn eme malista epi touto ta ergon parakalein, nun d' homoiôs gar pantes en aporiai egenometha· ti oun an tis hèmôn tina proairoito; » | « Et certes, quelle chose terrible ce serait là en vérité, Lysimaque, que de ne pas vouloir mettre en commun notre ardeur à devenir le meilleur possible ! Si donc, dans les échanges de propos d'à l'instant, j'étais apparu, moi, comme sachant, et ces deux-là au contraire comme ne sachant pas, il serait juste de faire appel à moi plus qu'à tout autre en vue de ce travail, mais le fait est que maintenant tous pareillement, nous nous sommes retrouvés dans une voie sans issue ! Donc pourquoi l'un d'entre nous devrait-il être préféré à l'autre ? » | ||||||||||||||||||||||||||||
[DO3] 335d3 |
Protagoras,
335d2-5 (l'intervention de Callias pour inciter Socrate à continuer la conversation avec Protagoras) |
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« Ouk aphèsomen se, ô Sôkrates· ean gar su exelthèis, ouch homoiôs hèmin esontai hoi dialogoi. Deomai oun sou parameinai hèmin· hôs egô oud' an henos hèdion akousaimi è sou te kai Prôtagorou dialegomenôn. Alla charisai hèmin pasin. » | « Nous ne te laisserons pas aller, Socrate, car si tu t'en vas, nos échanges de propos ne seront plus pareil. Je te prie donc de rester avec nous, pour autant que, pour ma part, il n'y a rien que j'écouterais avec plus de plaisir que toi et Protagoras échangeant des propos. Allons ! Fais-nous plaisir à tous ! » | ||||||||||||||||||||||||||||
[DO4] 336b1 |
Protagoras,
336a5-b3 (la réponse de Socrate à Callias) |
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« Ei oun epithumeis emou kai Prôtagorou akouein, toutou deou, hôsper to prôton moi apekrinato dia bracheôn te kai auta ta erôtômena, houtô kai nun apokrinesthai· [336b] ei de mè, tis ho tropos estai tôn dialogôn; chôris gar egôg' ôimèn einai to suneinai te allèlois dialegomenous kai to dèmègorein. » | « Si donc tu désires nous écouter, moi et Protagoras, prie-le, tout comme il m'a répondu au début, avec brièveté et sur les points mêmes qui étaient en question, de répondre ainsi encore maintenant ; [336b] car sinon, que sera le style de nos échanges de propos ? Car je pensais pout ma part que c'était deux choses distinctes que se réunir pour échanger des propos les uns avec les autres et de parler aux foules. » | ||||||||||||||||||||||||||||
[DO5] 338a2 |
Protagoras,
337e2-338a7 (l'intervention d'Hippias pour inciter Socrate à continuer la conversation avec Protagoras) |
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« Egô mèn oun kai deomai kai sumbouleuô, ô Prôtagora te kai Sôkrates, sumbènai humas hôsper hupo diaitètôn hèmôn sumbibazontôn [338a] eis to meson, kai mète se to akribes touto eidos tôn dialogôn zètein to kata brachu lian, ei mè hèdu Prôtagorai, all' epheinai kai chalasai tas hènias tois logois, hina megaloprepesteroi kai euschèmonesteroi hèmin phainôntai, mèt' au Prôtagoran panta kalôn ekteinanta, ouriai ephenta, pheugein eis to pelagos tôn logôn apokrupsanta gèn, alla meson ti amphoterous temein. » | « Quant à moi donc aussi, je vous prie et vous conseille, Protagoras et Socrate, de vous rapprocher, comme vous réconciliant sous notre arbitrage, [338a] sur la [voie] moyenne, et ni toi de chercher ce genre de rigueur dans les échanges de propos qui résulte de l'extrême brièveté, si elle n'est pas agréable à Protagoras, mais de relâcher et de détendre les rênes des discours, afin qu'ils se montrent à nous sous un jour plus somptueux et fassent meilleure figure, ni Protagoras en retour, mettant toutes voiles dehors et s'abandonnant à des vents favorables, de fuir sur la mer des discours en perdant de vue la terre ferme, mais de trancher tous deux en faveur d'une voie moyenne. » | ||||||||||||||||||||||||||||
[DO6] 338c7 |
Protagoras,
338c6-d5 (la réponse de Socrate après l'intervention d'Hippias) |
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« All' houtosi ethelô poièsai, hin' ho prothumeisthe sunousia te kai dialogoi hèmin gignontai· ei mè bouletai [338d] Prôtagoras apokrinesthai, houtos men erôtatô, egô de apokrinoumai, kai hama peirasomai autôi deixai hôs egô phèmi chrènai ton apokrinomenon apokrinesthai· epeidan de egô apokrinômai hopos' an houtos boulètai erôtan, palin houtos emoi logon huposchetô homoiôs. » | « Mais je veux bien faire ainsi pour que ce que vous prenez à cœur, la réunion et les échanges de propos, aient lieu pour nous : si Protagoras ne veut [338d] pas répondre, qu'il interroge tout d'abord, et moi, je répondrai, et en même temps je tâcherai de lui montrer comment, à ce que je dis, doit répondre celui qui répond ; et quand moi, j'aurai répondu à tout ce qu'il veut demander, qu'à son tour il me rende pareillement raison [ou me soumette pareillement un discours]. » (5) | ||||||||||||||||||||||||||||
[DO7] 354b9 |
République,
I, 354a13-c3 (conclusion de Socrate après la discussion avec Thrasymaque) |
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« Ou mentoi kalôs ge [354b] eistiamai, di' emautou all' ou dia se· all' hôsper hoi lichnoi tou aei parapheromenou apogeuontai harpazontes, prin tou proterou metriôs apolausai, kai egô moi dokô houtô, prin ho to prôton eskopoumen heurein, to dikaion hoti pot' estin, aphemenos ekeinou hormèsai epi to skepsasthai peri autou eite kakia estin kai amathia, eite sophia kai aretè, kai empesontos au husteron logou, hoti lusitelesteron hè adikia tès dikaiosunès, ouk apeschomèn to mè ouk epi touto elthein ap' ekeinou, hôste moi nuni gegonen ek tou dialogou mèden [354c] eidenai· hopote gar to dikaion mè oida ho estin, scholèi eisomai eite aretè tis ousa tugchanei eite kai ou, kai poteron ho echôn auto ouk eudaimôn estin è eudaimôn. » | « Et pourtant, je n'ai pas régalé de belle manière [354b] , par ma faute et non par la tienne : mais comme les gourmands goûtent à tout ce qui est tour à tour servi en se jetant goulûment dessus avant d'avoir joui mesurément de ce qui précédait, ainsi moi aussi, je pense, avant d'avoir trouvé ce que nous examinions en premier lieu, ce que peut bien être le juste, laissant cela tomber pour me mettre en toute hâte à examiner à son sujet si c'est un mal et une ignorance, ou une sagesse et une excellence, puis tombant une fois encore sur un sujet de discusison ultérieur, la question de savoir si l'injustice est plus avantageuse que la justice, je n'ai pu me retenir d'aller de l'un à l'autre, tant et si bien que, pour ma part, je sort à présent de cet échange de propos en ne sachant [354c] rien ; car aussi longtemps que je ne sais pas ce qu'est le juste, encore moins saurai-je s'il a chance d'être une quelconque excellence ou pas, et si oui ou non qui le possède n'est pas heureux ou est heureux ! » | ||||||||||||||||||||||||||||
[DO8] 263e4 [DO9] 264a9 |
Sophiste,
263e3-264b5 (Définition de la dianoia) |
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[DE1] 203a3 |
Banquet,
202d1-203a8 (Son entretien avec Diotime raconté par Socrate) |
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« Alla mèn Erôta
ge hômologèkas di' endeian tôn agathôn kai kalôn
epithumein autôn toutôn hôn endeès estin. Hômologèka gar. Pôs an oun theos eiè ho ge tôn kalôn kai agathôn amoiros; Oudamôs, hôs g' eoiken. Horais oun, ephè, hoti kai su Erôta ou theon nomizeis; Ti oun an, ephèn, eiè ho Erôs; thnètos; Hèkista ge. Alla ti mèn; Hôsper ta protera, ephè, metaxu thnètou kai athanatou. Ti oun, ô Diotima; Daimôn megas, ô Sôkrates· kai gar pan to daimonion [202e] metaxu esti theou te kai thnètou. Tina, èn d' egô, dunamin echon; Hermèneuon kai diaporthmeuon theois ta par' anthrôpôn kai anthrôpois ta para theôn, tôn men tas deèseis kai thusias, tôn de tas epitaxeis te kai amoibas tôn thusiôn, en mesôi de hon amphoterôn sumplèroi, hôste to pan auto hautôi sundedesthai. Dia toutou kai hè mantikè pasa chôrei kai hè tôn hiereôn technè tôn te peri tas thusias kai teletas [203a] kai tas epôidas kai tèn manteian pasan kai goèteian. Theos de anthrôpôi ou meignutai, alla dia toutou pasa estin hè homilia kai hè dialektos theois pros anthrôpous, kai egrègorosi kai katheudousi· kai ho men peri ta toiauta sophos daimonios anèr, ho de allo ti sophos ôn è peri technas è cheirourgias tinas banausos. Houtoi dè hoi daimones polloi kai pantodapoi eisin, heis de toutôn esti kai ho Erôs. » |
« Mais tu as effectivement convenu
qu'Eros en tout cas, du fait de son manque de bonnes et belles [choses],
désire ces [choses] mêmes dont il est dépourvu. J'en ai convenu en effet. Comment donc serait divin (8) celui-là même qui n'a pas part aux belles et bonnes [choses] ? En aucune manière, à ce qu'il semble bien. Tu vois donc, dit-elle, que toi aussi, tu déclares qu'Eros n'est pas divin ! Que serait donc, dis-je, cet Eros ? Mortel ? Pas le moins du monde ! Mais quoi alors ? Comme dans les [exemples] précédents, intermédiaire entre mortel et immortel. Quoi alors, Diotime ? Un grand daimôn (9), Socrate ; et en effet, tout le daimônique [202e] est intermédiaire entre divin et mortel. Possédant quel pouvoir ? repris-je. Exposant et transmettant aux dieux ce [qui vient] du milieu des hommes et aux hommes ce [qui vient] du milieu des dieux, d'un côté les prières et les sacrifices, de l'autre les prescriptions et les faveurs résultant des sacrifices, et, en étant à mi-chemin entre eux, il comble [cet espace] pour que le tout soit uni à lui-même. Grâce à ça, trouve sa place aussi bien la divination dans son ensemble que l'art des prêtres qui concerne les sacrifices et rites initiatiques [203a] et les chants magiques et toute la prédiction oraculaire et la sorcellerie. Car un dieu ne se mèle pas aux hommes, mais par ce moyen est [effectué] tout commerce et toute conversation venant des dieux pour les hommes, aussi bien lorsqu'ils sont éveillés que lorsqu'ils dorment ; et celui qui est savant en ces matières est un homme daimônique, alors que celui [qui est] savant en autre chose, soit dans les arts, soit dans d'autres acrtivités manuelles, [est] un artisan. Bref, ces daimônes sont nombreux et de toutes espèces, et Eros est l'un d'entre eux. » |
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[DE2] 454a8 |
République,
V, 454a1-9 (Discussion sur l'égalité hommes-femmes et le sens du mot « nature (phusis) ») |
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« É genneia, èn
d' egô, ô Glaukôn, hè dunamis tès antilogikès
technès. Ti dè; Hoti, eipon, dokousi moi eis autèn kai akontes polloi empiptein kai oiesthai ouk erizein alla dialegesthai, dia to mè dunasthai kat' eidè diairoumenoi to legomenon episkopein, alla kat' auto to onoma diôkein tou lechthentos tèn enantiôsin, eridi, ou dialektôi pros allèlous chrômenoi. » |
« Quelle noblesse à n'en
pas douter, repris-je, Glaucon, dans le pouvoir que donne l'art de la controverse ! Pourquoi donc ? Parce que, dis-je, beaucoup me paraissent tomber dedans involontairement et croire, non pas se quereller, mais dialoguer, parce qu'ils ne peuvent examiner ce qui est dit en distinguant suivant les espèces, mais pourchassent la contradiction suivant le nom lui-même dans ce qui a été dit en usant les uns à l'égard des autres de querelle et non pas de dialogue ! » (10) |
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[DE3] 146b3 |
Théétète,
145d5-146b6 (Discussion préalable entre Socrate et Théétète dont va sortir le thème du dialogue) |
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[DE4] 183b6 |
Théétète,
183a4-b6 (Critique du mobilisme universel par Socrate avec Théodore) |
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La section consacrée au terme dialektikos est dans une page distincte, accessible en cliquant ici.
(1) Diogène Laërce, dans ses Vies, II, 106, nous dit que cet adjectif avait fini par désigner, après ceux de Megarikoi (Mégariques, en référence au nom de la cité de Mégare), puis de eristikoi (Éristiques), l'école philosophique issue d'Euclide de Mégare, auditeur de Socrate et ami de Platon (qui le met en scène dans le prologue de Théétète). Et de fait, Strabon l'utilise en ce sens pour qualifier Denys de Chalcédoine (Géographie, XII, 4, 9) et Diodore Cronos (Géographie, XIV, 2, 21). (<==)
(2) Voir sur ce point la note 47 à ma traduction de l'analogie de la ligne. (<==)
(3) Les textes d'Aristote disponibles à Perseus sont : Métaphysique, Rhétorique, Poétique, Économique, Politique, Étique à Nicomaque, Étique à Eudème, Des vertus et des vices, Constitution des Athéniens. (<==)
(4) En lisant cette réplique, je ne puis m'empêcher de penser que ce pluriel, hoi dialogoi, ne renvoie pas seulement aux propos échangés entre Alcibiade et Socrate dans cette conversation imaginée par Platon, mais aussi, pour qui sait lire entre les lignes, à l'ensemble de ses « dialogues », présentés discrètement ici comme une aide à la recherche de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas (le sujet avoué du dialogue central, la Répubique), destinée à nous faire passer de l'état de « beau parleur » (le kalôs legeis du début de la réplique) à celui de partisans du vrai, de personnes qui « choisissent ce qui est vrai » : le verbe apokrinein, dont le sens usuel au moyen (apokrinou en est la seconde personne du singulier de l'impératif présent moyen) est « répondre », a pour sens premier « séparer en triant », c'est-à-dire entre autres « choisir, faire preuve de discernement ». Il s'agit bien de prendre position par rapport aux questions que suscitent en nous les dialogues et de chercher à discerner le vrai du faux pour y apporter nos réponses par notre vie. (<==)
(5) La réponse de Socrate se termine sur une note pour le moins ambiguë, puisque la formule hupechein logon veut en principe dire « rendre raison, rendre compte, donner une explication », mais que, du fait de la multiplicité des sens de logos, elle peut se comprendre mot à mot comme « soumettre un discours », surtout après qu'Hippias ait parlé de Protagoras naviguant sur « la mer des discours (to pelagos tôn logôn) » !... (<==)
(6) Sur la traduction de phantasia par « apparence », voir la note 5 à la traduction de ce même texte donné dans la page sur le terme dianoia. (<==)
(7) Sur la traduction de phainetai par « il paraît », voir la note 6 à la traduction de ce même texte donné dans la page sur le terme dianoia.(<==)
(8) Theos peut être à la fois un nom commun, « dieu », et un adjectif, « divin », qui caractérise ce qui disitngue les dieux des autres êtres, dont les hommes. Ici, où il va être un peu plus loin opposé à thnètos, adjectif qui signifie « mortel » et caractérise les hommes lorsque justment on veut les différencier des dieux, qui sont, eux, immortels, il est donc utilisé en tant qu'adjectif. (<==)
(9) Je renonce
à traduire le grec daimôn dans la mesure où sa
transposition en français, démon, a pris avec le christianisme
un sens qui n'est plus celui qu'avait daimôn du temps de Platon,
et qu'il n'existe pas en français de mot pour désigner un être
intermédiaire entre dieux et hommes de manière neutre : démon,
comme on l'a dit, est lié au mal, et « ange » a
un sens trop spécifique dans la théologie chrétienne pour
convenir ici. De plus, il n'est même pas certain que Platon utilise ici
daimôn dans le sens que pouvaient lui donner les contemporains
de Socrate qui n'avaient pas lu le Banquet et qu'il ne soit pas ici
en train d'adapter le terme à son propos. Le laisser non traduit oblige
le lecteur à s'appuyer sur le texte de Platon pour comprendre ce dont
il veut parler, plutôt que de projeter sur ce texte une prénotion
tirée par le mot qui lui est sans doute étrangère.
Pour rester cohérent avec ce choix de (non) traduction, je traduis l'adjectif
daimonion utilisé un peu plus loin par « daimônique ».
(<==)
(10) Cette
longue phrase de Socrate que la plupart des traducteurs éprouvent le
besoin de tronçonner est rigoureusement construite, aussi bien dans ses
parallèlismes que dans ses écarts, pour, sous couvert de décrire
ce que Socrate vient de vanter comme le « pouvoir (dunamis) »
donné par un art, une « technique (technè) »
qualifiée d'antilogikè, opposer deux manières
de faire usage du logos et définir en creux celle qui a sa faveur.
En fait, ce soi-disant « pouvoir », cette dunamis,
va être défini comme un mè dunasthai, un « ne
pas pouvoir », dont sont victimes les gens involontairement (akontes)
et qui les conduit à se faire illusion sur leur pratique du logos :
ils pensent dialegesthai alors qu'ils ne font qu'erizein (combattre,
se quereller, lutter). A ces deux verbes utilisés par Socrate au début
de la phrase font écho les deux noms d'activités qui en dérivent
et qu'on retrouve à la fin de la phrase, eris et dialektos,
lorsqu'il nous dit que les « victimes » involontaires
de l'antilogikè technè ont choisi de faire usage (chrômenoi)
d'eris et non de dialektos. Entre ces deux point, il va résumer
les deux attitudes en opposant ce que font en fait ces victimes à ce
qu'elles sont impuissantes à faire et qui est justement le vrai dialegesthai
(dont Socrate se garde bien de nous dire qu'il s'appuie sur une technè :
il n'est pas question ici d'une dialektikè technè qui
s'opposerait à l'eristikè technè dont il vient
d'être question, mais simplement de dialektos). Ce qu'ils devraient
faire, c'est episkopein to legomenon, examiner ce qui est dit (tous
ensemble), alors que ce qu'ils font c'est diôkein tou lechthentos
enantiôsin, pourchasser la contradiction dans ce qui a été
dit ; ils devraient faire l'examen diairoumenoi kat' eidè,
en distinguant suivant les espèces (le mot eidè que je
traduis ici par « espèces » est un de ceux qu'on
traduit dans certains contextes par « idées » en
donnant à ce terme un sens « technique » ;
mais c'est justement ce risque d'introduire ici une connotation « technique »
qui me fait rejeter cette traduction, même si c'est bien de quelque chose
comme ça dont il est ici question), ils le font kat' auto to onoma,
suivant le nom, c'est-à-dire sans réaliser que le nom, le mot
utilisé pour désigner une chose, n'est pas la chose qu'il désigne.
Le résultat, c'est qu'au lieu de découvrir ensemble les division
(diairoumenoi) entre les eidè dont les mots ne sont
que le reflet, ils font usage de la division (eridi chrômenoi)
entre eux (allèlous), plutôt que du dialogue, en s'attachant
aux mots sans chercher ce qu'il y a derrière, ce qui ne les mène
nulle part.
Notons encore que ce même mot, eris, qui sert ici à désigner
uen querelle qui n'est que de mots, est le même qui sert aussi à
désigner la querelle entre Achille et Agamemnon qui est au centre de
l'Iliade, et toutes les querelles qui permettent aux héros homériques
de montrer leur vaillance, leur « noblesse », de prouver
qu'ils sont gennaioi, de noble race. Or gennaios est justement
l'adjectif qu'emploie Socrate au début de la réplique précédente
pour qualifier la dunamis tès antilogikès technès,
le « pouvoir que donne l'art/la technique de la controverse ».
Derrière l'ironie de cette grandiloquence affectée, Socrate veut
probablement nous suggérer que la vraie noblesse de l'homme, la « naissance »
dont il doit s'honnorer, lui, animal doué de logos, ce n'est
pas la force dans les combats, qu'ils soient menés avec des armes ou
avec des mots, des logoi, mais l'aptitude à utiliser ce logos
pour atteindre au « divin », pour se dépasser lui-même
et, par le dia-legesthai, s'élever jusqu'à l'intelligible
et aux eidè. Le dia de
dialegesthai/dialektos s'oppose ici à l'anti
de antilogikè pour nous faire comprendre qu'il ne faut pas comprendre
ce dia comme renvoyant seulement à l'interaction entre les interlocuteurs,
qui n'existe pas quand le dialogos est intérieur, comme dans
le cas de la dianoia telle qu'elle est définie
en Sophiste,
263e3-264b5 (voir ci-dessus, DO8), mais comme suggérant
aussi qu'il faut dépasser le langage, le logos, le « traverser »,
ne pas s'arrêter aux mots, pour atteindre à l'intelligible. (<==)
(11) Dans
cet échange, Socrate joue sur la multiplicité des sens de deux
groupes de mots : d'une part l'adjectif sophos et le nom de qualité
associé, sophia ; et d'autre part le nom epistèmè
et le qualificatif associé epistèmôn. Il est très
difficile de traduire un tel échange sans le trahir, dans la mesure précisément
où il constitue un test de la capacité de l'interlocuteur à
dépasser les mots eux-mêmes (voir l'extrait de la République
qui précède, DE2) pour s'attacher à
ce qu'ils désignent, en réalisant que, dans l'usage, un mot ne
désigne pas nécessairement toujours la même réalité
une, mais peut renvoyer selon les contextes à des réalités
multiples qu'il conviendra de distinguer kat' eidè, pour reprendre
l'expressions utilisée dans l'extrait de la République
qui précède, et que ce n'est pas parce que deux mots peuvent,
dans certains contextes, être synonymes et désigner la même
réalité qu'ils le sont dans tous les cas d'usage. On voit donc
le danger qu'il y a à transposer les mots qui sont en
cause dans des mots d'une autre langue qui n'ont le plus souvent pas la même
couverture sémantique que ceux qu'ils traduisent, au risque de perdre,
ou au moins de polluer, le « jeu de mots » auquel se livre
Socrate.
Dans le cas présent, il est quasi impossible de trouver un mot français
qui couvre à lui seul tout la champ du grec sophos, qui recouvre
une plage de « compétences » allant de l'habileté
purement manuelle ou technique d'un artisan, d'un artiste (un poète en
particulier), d'un médecin ou de tout autre « technicien »
jusqu'à la plus haute sagesse de ceux qu'on en viendra à désigner
par un nom qui contient justement ce sophos, celui de « philosophes »,
et peut donc se traduire selon les contextes par « habile »,
« savant » ou « sage », ou par d'autres
termes voisins comme « prudent, compétent, avisé, ingénieux »,
etc., et qui peut dans certains cas revêtir une nuance péjorative
et signifier « rusé », voire « pédant »
ou « obscur » à force de profondeur réelle
ou affectée. Et il est tout aussi difficile de traduire epistèmè,
qui, selon les contextes, peut désigner toute forme de savoir, aussi
bien pratique que « théorique » et dans d'autres
cas sera au contraire opposé à des termes comme technè
(dont vient le français « technique ») ou empeiria
(dont vient le français « empirique ») pour désigner
plus spécifiquement des « connaissances » relevant
d'une formation plus « théorique » que pratique.
Et sa traduction par « science » en français est
trompeuse du fait de la manière dont a évolué ce terme
en français, où l'on a l'habitude d'opposer les matières
dites « scientifiques » aux matières dites « littéraires »,
distinction qui n'est nullement présente chez les grecs du temps de Socrate
et Platon et qui projette en retour un éclairage sur « science »
qui n'existe pas dans epistèmè. (<==)
(12) Il y a une certaine ironie de la par de Socrate dans le choix de ce mot apeiron, qui peut vouloir dire « infini, illimité », mais aussi « inexpériementé, ignorant » !... (<==)